DECRYPTAGE DE 6 IDEES RECUES
Ces derniers temps nous avons assisté dans la presse et sur les réseaux sociaux à des débats passionnés entre les défenseurs de l’éducation bienveillante, philosophie d’éducation qui s’appuie sur les données de la recherche en neurosciences et en psychologie, et les défenseurs du retour à une éducation traditionnelle, d’obédience plutôt psychanalytique.
Les guerres de chapelle ont fait rage, les arguments ont fait mouche, mais toujours est-il que nous parents ne savons plus à quel saint nous vouer… Parce que bon, c’est bien gentil tout ça, mais c’est pas vous qui allez coucher les mômes ce soir hein !!
Alors histoire qu’on y voit un peu plus clair et sans utiliser de mots savants, voici un petit tour d’horizon de 6 idées reçues récurrentes sur l’éducation bienveillante et leur décryptage pour que vous puissiez enfin vous faire une opinion éclairée sur le sujet.
1 / Prendre en compte les émotions de son enfant va le faire se transformer en un monstre psychopathe mangeur de parents
Et oui ! On a longtemps pensé que si on laissait de la place à l’enfant pour exprimer ses émotions, celles-ci allaient alors occuper tout l’espace, devenir incontrôlables et peut être même nous contaminer à notre tour !
« Et qu’est-ce que je vais faire alors de ce petit monstre qui crise et s’agite comme un possédé, alors que j’ai simplement suggéré d’aller prendre le bain ?! Et puis, imaginons que quelque chose le mette en colère à l’école ou au parc (les meilleurs endroits pour détruire ma réputation de parent). Si je ne réagis pas fermement, les gens vont penser que je m’occupe mal de mon enfant ! L’angoisse ! »
Lutter contre les colères, pleurs et autres crises de l’enfant pour garder le contrôle de la situation peut mener à l’effet inverse du résultat escompté : la fameuse contagion emotionnelle évoquée plus haut couplée à une bonne petite escalade, en somme, qui du parent ou de l’enfant va remporter le concours du meilleur pétage de plomb (ben oui, ça sent le vécu).
Ou alors, l’enfant voyant que le parent ne tient pas compte de ses émotions, va peu à peu s’en couper pour coller à ses attentes (celles du parent), mais se déconnectera de ses ressentis et de ses besoins par la même occasion (attention on ne parle pas ici d’un évènement isolé, mais bien de répétitions sur le long terme de situations où ses émotions ne sont pas entendues, ou alors minimisées ou pire encore ridiculisées)
Mmmm pas terrible hein…
Notre héritage éducatif nous a laissé entendre que les enfants étaient de petits capricieux malveillants et manipulateurs qu’il fallait absolument faire plier et rentrer dans le moule pour qu’ils soient adaptés (on ne crie pas, on ne pleure pas, on ne dit pas ce qu’on ressent c’est impoli, merci).
Or la recherche scientifique nous a prouvé qu’il n’en est rien !
De la même manière qu’un adulte qui aura vécu une altercation avec son patron aura besoin de vider son sac auprès de son(sa) conjoint(e)e) à base de centaines noms d’oiseaux, notre enfant lorsqu’il vit quelque chose de déstabilisant sur le plan émotionnel, aura lui aussi besoin d’être entendu et rejoint.
Qu’importe que l’adulte soit d’accord ou non avec le comportement de l’enfant. Ce qui compte à cet instant, c’est que l’enfant se sente compris et rejoint dans l’intensité de ce qu’il ressent, ce qui lui permettra ensuite de s’apaiser beaucoup plus facilement.
Il sera beaucoup plus simple alors, une fois le calme revenu, d’expliquer tranquillement que non on ne détruit pas l’intégralité du rayons fruits et légumes du supermarché parce que maman n’a pas voulu lui acheter un jouet.
Ecouter et prendre en compte les émotions de son enfant présente ainsi de nombreux bienfaits, comme améliorer la communication parent – enfant, construire le lien de confiance (oui rien que ça !), renforcer l’estime de l’enfant qui a été entendu ET celle du parent qui a réussi à désamorcer la bombe sans cri ni punition, responsabiliser l’enfant sur les conséquences éventuelles de ses actes et développer son empathie.
2 / La parentalité bienveillante c’est la porte ouverte au laxisme !
En réalité c’est l’interprétation erronée et complètement excessive des messages de l’éducation bienveillante qui a mené à des situations problématiques.
Un « enfant roi » (ce à quoi on fait généralement référence quand on parle de laxisme) est en fait un enfant qui est laissé à l’abandon, sans règle ni limite éducative, sans sécurité intérieur, et c’est exactement l’inverse de ce que prône l’éducation bienveillante.
On a effectivement vu des parents pétris de bonnes intentions ne pas oser réprimander leur enfant par peur de lui griller définitivement les neurones, ou encore s’oublier complétement à titre personnel et en tant que couple car « leur enfant a besoin de leur présence et de leur amour inconditionnel sinon il sera condamné à faire 20 ans de thérapie à l’âge adulte », ou encore leur épargner tout type de frustration pour leur éviter un stress qui va gravement endommager leur petit cerveau en pleine maturation.
Les exemples donnés ici sont caricaturaux, mais pas si éloignés de la réalité dans les cas d’interprétation excessive.
Comme dans de nombreux domaines, le bon sens est de mise !
Un enfant peut tout à fait apprendre à traverser ses émotions et frustrations dans la bienveillance ! Une chose est sûre, les éducations, qu’elles soient trop laxistes ou trop autoritaires, sont aussi délétères l’une que l’autre au bon développement de l’enfant.
Ça tombe bien ! L’éducation dite bienveillante, offre une 3eme voie, un juste milieu entre autorité et laxisme, en s’appuyant elle sur la science, et notamment les données neuroscientifiques.
Les fondements de cette philosophie sont assez simples : considérer son enfant comme son égal (et non comme un petit être maléfique à dresser), l’éduquer émotionnellement, respecter son intégrité physique et ses besoins, tout en établissant des limites éducatives claires.
L’idée est ainsi que le parent soit aligné avec les règles et valeurs qui lui sont chères, mais qu’il soit en même temps capable de rejoindre l’enfant dans la frustration, la colère, la tristesse qu’il peut ressentir.
Les émotions sont normales !
Le but du parent dans ce contexte sera d’aider petit à petit son enfant à comprendre ce qu’il se passe à l’intérieur de lui et de lui transmettre des outils pour développer ses capacités d’auto-régulation, mais sans pour autant rogner sur la consigne qui a été donnée ou sur la règle qui a été établie.
Un ptit exemple : Matteo 5 ans refuse de manger la délicieuse purée de brocolis que sa maman avait pourtant préparé avec amour pour le repas du midi.
La réponse « éducation traditionnelle » : maman se transforme en sorcière maléfique et enfourne les cuillères de purée elle-même dans la bouche du petit Matteo, terrorisée à l’idée que son petit n’ait pas suffisamment mangé ou commence à faire des caprices sur la nourriture.
La réponse « éducation laxiste » : C’est pas grave mon chéri, je comprends, moi aussi je trouve que les légumes c’est chiant. Va donc te chercher 3 bonbons et une canette de soda à la place… Je ne voudrais pas que tu meures de faim mon pauvre chou ! »
La réponse « éducation bienveillante » : Tu n’as pas faim ? Tu n’as pas envie de manger ça ? C’est ton droit. Ça m’arrive aussi tu sais… Mais sache le prochain repas n’arrive pas avant ce soir alors en attendant il faudra compter sur tes réserves mon ptit chat… (A vous de voir si vous lui annoncez ou non qu’il y aura AUSSI des légumes à l’heure du diner)
L’éducation bienveillante est donc bien éloignée de cette idée reçue que la porte y est ouverte à tous les débordements et qu’elle va produire des générations d’enfants détraqués et intolérants à toute forme de frustration. Elle est basée sur des notions de bon sens et de respect (des enfants et des parents) et est accessible à tous !
3 / J’ai envie d’élever mon enfant dans le courant de l’éducation bienveillante mais ça met une telle pression… Si je loupe un truc je le vais détruire psychologiquement !
Waow !! Aller, on respire un bon coup, on met les jambes à la verticale et on se détend…
Nous sommes humains et chaque parent fait qu’il peut avec ses moyens, son histoire et ses ressources émotionnelles du moment !
L’éducation bienveillante nous donne des éléments de compréhension sur les comportements de nos enfants ainsi que des outils pour pouvoir répondre de la manière la plus adaptée à leurs besoins. Ceci afin que les enfants puissent, entre autres, grandir et s’épanouir au sein du foyer en ayant nourri une bonne sécurité intérieure et une habilité à communiquer sans violence.
« Super mais moi j’ai la sensation il faut sans cesse réfléchir à ce qu’on va dire, ne pas s’énerver, ne pas crier … et parfois je n’ai pas l’énergie ! »
Et oui ! Comme nous sommes les parents les plus dévoués de la terre, parfois nous mettons la barre très (trop) haut !
Il nous est bien sûr très utile en tant que parents d‘être informés sur les étapes de développement de nos enfants et sur ce qu’il peut se passer dans leur petite tête, pour pouvoir mieux les comprendre et adapter nos réactions.
Ceci étant dit, nous sommes des parents – humains – pas des robots, et nous avons de surcroit hérité d’une toute autre culture éducative pour la plupart d’entre nous !
Donc parfois nous dérapons, nous crions, nous avons des mots forts, nous menaçons…
Il est IMPOSSIBLE d’être un parent bienveillant 365 jours par an !
L’essentiel étant de pouvoir prendre du recul et d’essayer d’analyser où on peut faire les choses autrement pour arriver au résultat voulu. Nos enfants continueront à nous aimer tel que sous sommes, parfaitement imparfaits, et ne finiront pas à l‘hôpital psychiatrique parce que nous avons crié pour avoir le silence (oui effectivement ça ne marche pas trop, mais c’est pas grave, ça fait du bien quand même).
Souvenez-vous que ce qui compte, c’est l’intention que nous mettons dans la relation à nos enfants, et certainement pas l’illusoire perfection que nous voulons atteindre !
En conclusion, cette première partie nous permet d’apporter un peu de nuance sur certaines idées reçues et sur l’impact de l’éducation bienveillante sur les enfants et leurs parents.
Cette façon de repenser l’approche de nos enfants est souvent remise en cause et elle est parfois difficile à faire entendre malgré les nombreux travaux et résultats scientifiques allant en ce sens, de par notre histoire et nos propres biais d’apprentissages.
Nous continuerons ce décryptage la semaine prochaine, avec les trois derniers points et les impacts sociétaux de ce courant éducatif.
Retrouvez la suite de ce palpitant décryptage dans le prochain article !